mercredi 15 février 2012

Bienvenus à Lilliput!





A) adulte noir sur fond noir, montrant la couleur orange de la queue; (B) juvénile sur le bout du doigt; (C) juvénile sur une allumette; (D) habitat près d'un ruisseau à Nosy Hara.



Quatre nouvelles espèces de caméléons de Madagascar viennent d'être décrites. Une famille de ces caméléons tiendrait sur le bout de votre petit doigt… Petits, si petits et pas très colorés! Les caméléons-feuilles sont bruns comme les feuilles au sol où ils vivent. Pas étonnant qu'on les connaissait mal ou pas du tout, on ne les voyait pas. Invisible deux fois : ce sont d'abord des caméléons… puis ils sont miniatures.


Le phénomène s'appelle le nanisme insulaire. Sur l'île indonésienne de Florès par exemple se trouvait l'homme de Florès (Homo floresiensis, il y avait aussi des Madame Florès...) et le stégodon, un cousin miniaturisé de l'éléphant. Il s'agit d'adaptations à des habitats restreints. L'effet est double dans notre cas : Madagascar, lieu d'origine de tous les caméléons, est comme un continent miniature et a produit d'abord le groupe des caméléons miniatures. Les îles au large ont à leur tour miniaturisé ces espèces. Notez qu'une montagne peut aussi être considérée comme insulaire, l'altitude assurant un climat et une flore différents des alentours. Isolée donc.




(A) mâle et (B) femelle de Brookesia tristis de la Montagne des Français; (C) mâle et (D) femelle de Brookesia confidens de Ankarana; (E) mâle et (F) femelle de Brookesia micra de Nosy Hara; (G) mâle et (H) femelle de Brookesia desperata de la Forêt d'Ambre.


Le genre Brookesia compte 26 espèces terrestres, fouillant sous les feuilles à la recherche d'insectes. La nuit tout ce monde grimpe au arbres pour y dormir. C'est là que l'équipe de biologistes les a cherché avec des lampes de poches. Et pas mal de concentration... Ils ont trouvé!




Carte du nord de Madagascar montrant la distribution des espèces du groupe.
 

Toutes ces espèces sont superficiellement similaires mais des différences morphologiques externes, ainsi qu'au niveau de l'hémipénis (cliquez ici pour vous rincez les yeux) appuient la description de ces nouvelles espèces. Évidemment la phylogénie moléculaire ajoute à la connaissance du groupe et de son évolution.


Afin de découvrir de nouvelles espèces le regard n'est plus le même, assurément : c'est maintenant en équipes multidisciplinaires avec des outils statistiques, etc.  Découvrir des nouvelles espèces se passe à une échelle où le discernement est désormais plus difficile… il faut changer la lorgnette et regarder deux fois.




 Lemuel Gulliver chez les géants Brobdingnags. Carte de Lilliput.


Il y a donc encore des terres inconnues, des îles flottantes et des créatures fantastiques à découvrir. On peut encore aujourd'hui mettre le pied sur une nouvelle-terre-trouvée, changer notre regard et voir le quasi-invisible. Bien sûr nous savons tous qu'il n'y a pas vraiment de nouvelles espèces. Ces caméléons sont là depuis 10 million d'années. Il ne manquait que des nouvelles façons de les chercher et de les trouver. Et une bonne équipe sur le terrain!


Aussitôt découverte la nouvelle-terre-trouvée devient nouvelle-terre-perdue, les forêts de Madagascar disparaissant rapidement. Les dernières feuilles de leurs arbres auront bientôt tombé et la page sera tournée sur l'histoire de ces petits animaux. Je trouve assez poignante la réalité qui fait que d'un bout on trouve et de l'autre on perde. Un assez terrible jeu de lorgnette, irréversible cette fois. 


Les photos des caméléons et de la carte de Madagascar sont tirées de l'article :


Rivaling the World's Smallest Reptiles: Discovery of Miniaturized and Microendemic New Species of Leaf Chameleons (Brookesia) from Northern Madagascar. Frank Glaw, Jörn Köhler, Ted M. Townsend, Miguel Vences. PLoS ONE 7(2): e31314. doi:10.1371/journal.pone.0031314



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