samedi 28 juillet 2012

Flore de l'Amour






Il y a longtemps que j'y songeais: en fin de semaine dernière je suis allé explorer le long fleuve Amour à la frontière de la Chine et de la Russie. Un bien bref séjour afin d'explorer la région et découvrir sa Flore. J'ai loué un bateau et j'ai vogué. Comme il s'agit d'intéresser mes lecteurs, au diable la dépense!


Le bateau Flora Urbana (qui a inspiré un certain Cousteau). Il n'y a pas de quai alors on se met où on peut.



Ce que je vous présente dans ce billet ce n'est pas exactement la Flore de l'Amour (plus de 3,000 espèces, ce sera pour une autre fois...) mais une Flore de l'Amour, celle qui réunit des plantes dont le nom latin (le langage de l'Amour après tout…) comporte le nom du fleuve. Ce n'est pas le langage des fleurs, mais les fleurs du langage en quelque sorte.



Argoun et Chilka fusionne dans l'Amour. Un monument chinois du 15e siècle.



Le nom de ce fleuve vient du russe "Амур" d'après le terme bouriate (langue d'une ethnie de Mongolie) qui signifie "boueux". Le fleuve Boueux, c'est tellement romantique n'est-ce pas? Les Chinois eux le nomme "fleuve du dragon noir" (merci Wiki…), ce qui a au moins un certain mérite romanesque. Puisqu'en anglais on dit Amur (comme dans "Amur tujours l'Amur") cette flore n'existe essentiellement que dans les têtes francophones.


Notez qu'en latin c'est amur et ses déclinaisons que l'on utilise. Voici donc mon florilège:





Ligustrum amurense, le Troène du fleuve Amour (source photo)



La pourpre : source photo et la blanche : source photo


Tout à fait l'équivalent de notre espèce Arisaema triphyllum (le Petit prêcheur, voyez ici et ici). Il se décline lui aussi avec les deux mêmes formes colorées et se distingue par sa feuille avec cinq folioles plutôt que les trois de notre espèce.


Petit prêcheur de l'Amour c'est un peu le cupidon de Sibérie...





Papaver amurense, le pavot de l'Amour.  Intoxicant ou somnifère? (source photo).





Le pavot de l'Amour dans une vue marine à l'air salin. Appel au voyage!






Adonis amurense. Adonis était l'amant d'Aphrodite et de quelques autres. 





Le tilleul de l'Amour. Tilia amurensis. (source photo). Miel d'Amour doux.




 
Epilobium amurense subsp. amurense (source photo).





Cerastium pauciflorum var. amurense (source photo).





La vigne de l'Amour, Vitis amurensis (source photo feuilles) (source photo fruits). L'amour du vin est le vin de l'amour... ou quelque chose comme ça...






Il y a aussi un érable: l'érable du fleuve Amour (Acer ginnala). Je ne peux oublier cette autre espèce à la croissance vigoureuse. Ci-haut l'arbre au liège de l'Amour ou arbre-liège de l'amour (Phellodendron amurense).




Il y a aussi quelques animaux intéressants qui portent le nom de l'Amour: ci-haut le chat léopard de l'Amour (Prionailurus bengalensis euptilura).





La panthère de Chine (Panthera pardus orientalis), également appelée panthère de l'Amour. Elle a soif et s'abreuve constamment au fleuve.





Un autre félin de la région: le cougar de l'Amour.





En terminant ce billet trop brièvement composé (avouons-le: nettement bâclé!) je vous laisse avec une vue du fleuve Amour, boueux, peut-être, méandreux, à l'occasion. À visiter pour sa Flore et sa Faune? Bien sûr!



Et maintenant je vais prendre de vrais vacances du blogue! Trop de projets à avancer... on se retrouve bientôt.



Un lien si vous voulez en savoir plus sur le fleuve Amour et sa flore et tout et tout:  







mercredi 25 juillet 2012

Miel de Mur




Près de chez moi sur un mur de brique.


Une plante grimpante bien commune, qui fait du vert à grande échelle dans des endroits autrement impossible à verdir: les murs. Par ici on appelle cette vigne lierre de Boston. Ailleurs le Parthenocissus tricuspidata se nomme vigne-vierge japonaise ou vigne-vierge à trois pointes. C'est une espèce de la famille des Vitacées (14 genres et environ 900 espèces), comme les raisins. Cette plante vient d’Asie de l'est (Chine, Corée, Japon, Russie) et est largement cultivée comme plante ornementale en Europe et en Amérique.


Le nom de genre Parthenocissus vient du grec parthenos (vierge) et kissos, (lierre);* l'épithète spécifique tricuspidata veut dire à trois pointes et cela décrit assez bien la feuille. Malgré le nom générique elle ne se reproduit pas par parthénogénèse… elle est pollinisée par des insectes afin de produire ses fruits qui sont non-comestibles (pour les humains mais les oiseaux en raffolent!)



Ce sont les pétales et les étamines caduques qui tombent et couvrent le trottoir. La veille tout cela état bien vert mais je n'avais pas mon appareil photo. Dommage le cliché aurait été bien décoratif.


Elle est communément plantée depuis longtemps afin de végétaliser les murs et elle gagne à nouveau en intérêt afin de réduire la chaleur urbaine. Mais cette plante grimpante n'a pas qu'une valeur esthétique ou une fonction de régulation thermique, elle a aussi une écologie discrète: j'ai noté qu'une bonne dizaine d'espèce d'hyménoptères (guêpe, abeilles et fourmis) différentes la visitaient.



Le site d'étude: mon balcon et le lierre Boston. Sans oublier mon attrape-plantes!


C'est une écologie assez particulière à coup sûr! La plante n'est pas indigène, tout comme une bonne partie des insectes que j'ai observé la visitant… le milieu urbain est en effet une singularité en terme biologique. Ce sont souvent des écologies nouvelles, anthropogénérées, composées d'espèces réunies artificiellement qu'on y observe. Il est par ailleurs intéressant de songer que cette plante et la plupart des insectes mentionnées dans ce billet se retrouvent, tout en groupe, un peu partout dans l'hémisphère Nord puisque tout ce bazar (plante et pollinisateurs) est implanté partout!




Si vous observez attentivement un thrips se cache derrière une étamine.

Un mot sur les fleurs minuscules mais nombreuses du lierre de Boston. Sur la deuxième photo de ce billet vous voyez les pétales qui couvrent le trottoir au pied du mur où pousse la plante. Je disais qu'ils étaient caduques: ils se détachent de la fleur et tombent. Quand la fleur est encore en bouton chaque pétale forme un capuchon parfaitement ajusté sur un étamine. Quand la fleur s'ouvre pensez alors à une banane que l'on ouvre par les lanières que l'on rabaisse. D'ailleurs sur la photo ci-haut vous voyez un peu de pollen dans ce capuchon. La fleur est d'abord mâle un court moment puis les pétales et les étamines se détachent, la fleur devenant alors fonctionnellement femelle, prête à recevoir le pollen des autres autour. Les fleurs s'ouvrent ainsi sur quelques jours et du nectar est disponible tout ce temps.


Rencontre de deux espèces d'abeilles sur le lierre de Boston.


Il y a toujours des insectes qui visitent les fleurs. Sur la photo ci-haut ce sont deux abeilles différentes qui font provision. En haut d'abord c'est une abeille mégachile, une découpeuse de feuilles (probablement Megachile rotundata) qui prend du nectar et du pollen sans toutefois découper les feuilles. Elle utilisera des morceaux de feuilles (bien enroulés en cigare entre ses pattes) d'une autre plante pour tapisser ses nids qu'elle garnira ensuite de pain de pollen et de nectar pour nourrir les larves. Contrairement à l'abeille domestique et aux bourdons qui ont des corbeilles sur les pattes où accumuler le pollen, l'abeille mégachile a une brosse sous l'abdomen où elle stocke le pollen.



Une autre espèce d'abeille (indigène) qui semble s'intéresser au pollen cette fois.


À quelques centaines de mètres de chez moi on a installé des ruches d'abeilles domestiques dans un jardin entouré d'une haute muraille de pierre grise. Depuis l'an dernier j'observe donc des abeilles à miel un peu partout dans le quartier et elles visitent mon lierre de Boston. Il y a quelques semaines c'était ma vigne vierge, le Parthenocissus quinquefolia, qui avait la même attention de tous ces insectes. (Voyez aussi  ce billet du 7 mai)



Il y avait aussi cette fourmi assez pressée.


Je savais que cette plante est mellifère, mais je n'avais pas observé directement la chose. La quantité de nectar n'est même pas visible… mais son apport (la quantité) en nectar est réputé excellent. Je ne sais pas si c'est à cause du grand nombre de fleurs ou peut-être que la petite la production de chaque fleur s'étend sur plusieurs jours. Cela fait néanmoins un excellent miel, "riche, foncé et fruiteux" dit-on. Je n'y ai pas goûté.


Je n'ai pas photographié les bourdons (genre Bombus) qui y prennent du pollen et du nectar et les guêpes (Vespula et autres) qui avaient aussi à faire par ici dans la grande verdure du lierre de Boston.


Les feuilles bien colorées à l'automne signale la disponibilité des fruits.


Outre le simple verdissement ou les services environnementaux de régulation de température et de filtration de l'air le Parthenocissus a donc des fonctions écologiques importantes en milieu urbain. Il représente une ressource pour de nombreux Hyménoptères.


En plus maintenant je sais qu'il fait du miel et celui qui sera produit dans le quartier aura un peu de nectar de mon lierre de Boston. Mais je ne pense pas avoir l'occasion de goûter à ce miel de mur.






La fourmi, toujours pressée, s'en retourne, nous menant vers d'autres aventures, loin de mon balcon cette fois: vers le fleuve Amour.








lundi 23 juillet 2012

Tabac de Trottoir






Pourquoi ne pas citer cette étymologie déjà préparée par Wikipedia:


"Le nom pétunia provient de mots de langues tupi-guarani indigènes du Brésil : en tupi petyma, petyn, en guarani pety désignent le tabac. En français commun, le terme de pétun fut concurremment utilisé avec tabac à partir du xvie siècle et est resté longtemps en usage aux Antilles françaises et en bas-breton sous la forme de butun."



Le tabac et le pétunia sont de la même famille: celle des Solanacées. Je ne fume plus le premier et je n'ai jamais essayé le deuxième.


 
Bientôt sur cet écran: le Miel de Mur (pour tous) et la Flore de l'Amour (XXX)...






dimanche 22 juillet 2012

Mignon minou! Miam-miam!







J'aime les photos de minous sur Facebook! Ils sont souvent mignons à croquer!
 
 
 

samedi 21 juillet 2012

Rapide du Cheval Blanc encore






Voici le billet promis sur les autres espèces aperçues (outre l'orme de Thomas) lors de l'excursion au Rapide du Cheval Blanc. Comme je le disais dans le billet précédent sur ce lieu nous avons surtout marché sur le rivage.

Il y avait une belle colonie de Chêne rouge (Quercus rubra, Red oak), disposée en ruban le long de la rivière. La photo ci-haut.






Parmi les chênes, ici et là, quelques Caryer ovale (Carya ovata, Shagbark hickory)




Un Érable argenté (Acer saccharinum, Silver maple) autrefois brisé par les glaces mais qui a bien repris. La partie couchée à droite est le vieux tronc.




Une loi constitutionnelle devrait protéger les aubépines (Crataegus spp.) et faire retirer les nerpruns (le genre Rhamnus). Ces derniers occupent ordinairement la place des aubépines en milieu ouvert ou à la limite d'un boisé. Un spécimen âgé de nerprun est habituellement une belle décoration et c'est probablement pour des raisons picturesques qu'il a été si largement utilisé au 19e siècle. Les fruits du nerprun sont appréciés des oiseaux mais sa richesse écologique a tout à envier aux aubépines.






Une belle surprise: Charme de Caroline (Carpinus caroliniana, Blue-beech) seulement quelques individus. Petit arbre tolérant de l'ombre dont il faudrait multiplier les plantations.





Le clavalier d'Amérique (Zanthoxylum americanum, Common prickly-ash) est un élément intéressant des haies. Il fait partie des espèces que je vais introduire au Champ des Possibles. Dans notre région nous avons un seul membre de la famille des Rutacées, qui compte les agrumes. Je n'ai pas vu souvent les fruits de cette espèce mais l'odeur en est bien celle d'un d'agrume! Les autres espèces de cette famille sont toutes introduites : le Phellodendron de l'Amour (Phellodendron amurense, Amur cork tree) le Ptéléa trifolié (Ptelea trifoliata, common hoptree) et la rue des jardins (Ruta gravelolens, Common Rue).


Traverser une haie de cet arbuste est peu commode, ses épines très sont coriaces. Avec l'arrivée récente au Québec du papillon grand porte-queue (Papilio cresphontes, Giant Swallowtail) qui pond ses oeufs sur l'arbuste, gageons qu'il gagnera en popularité. Le réchauffement climatique a permis la migration de cette espèce venant du Sud.






Ça c'est pour tous la plante à ne pas perdre de vue lors des randonnées. Il y en avait beaucoup, pleines de fruits et assez hautes. Les colonies de cette plante semblent  toujours bien se porter. Pourquoi? C'est un mystère! Je ne crois pas être sensible à l'herbe à puce (Toxicodendron radicans, Poison ivy), depuis le temps que je traîne partout sur l'île j'aurais bien dû attraper quelques chose! Pour Charles, c'est une autre (sale) histoire!






La glorieuse pontédérie à feuilles cordées (Pontederia cordata, Pickerelweed). Pour moi c'est un bel emblème de l'Archipel d'Hochelaga! Et de ce bel été qui se prolonge avec ses promesses de découvertes, nouveautés et tout, et tout...


 
Je vous laisse là-dessus en vous souhaitant une belle fin de semaine!



vendredi 20 juillet 2012

Drummondville, Chou!






Dans une ville de province (Drummondville) un couple se met en tête de transformer le terrain devant leur propriété en potager. Ce n'est pas permis! Dans le conformisme qui nous caractérise ce simple fait devient matière dangereuse. Un conflit qui prend d'assaut la planète!







L'été c'est fait pour qu'il ne se passe rien. Alors pour les médias de la farniente une patate chaude ou une tomate juteuse c'est toujours bienvenue! À Drummondville votre-devant-de maison-qu'on-voit-quand-on-jette-un-oeil-sur-ce-qui-nous-regarde-pas-ne-doit-pas-faire-la- démonstration-de-votre-incivilité.

Pas de potager donnant sur la rue. Ce pourrait être une influence néfaste! L'urbanisme de la réglementite nous entraîne vers des sommets de bêtises. Surpris?





Les armes de Dummondeville se (re-)blasonnent-elles ainsi?


 
Étant normalement râleur, sceptique et de mauvaise foi (tous les goûts se mêlant dans ma tendre nature) je ne ferai pas enquête sur ce couple à l'air louche et probablement payé par l'industrie du divertissement pour nous offrir un beau creux d'été...

...à moins que ce ne soit la Brillantissime Cité de Drummond-sur-Saint-François elle-même qui, lors d'un brain-storming visant la promotion de sa valeur foncière vascillante (et ayant peut-être sniffé un peu trop de Erythroxylum coca) a machiavéliquement décidé de prendre un tournant vert. On a vu pire!


Toute la gloire de la Cité est d'être à mi-chemin entre Québec et Montréal. Maintenant elle est au centre du monde...


 






En guise d'appui aux Jardiniers Offenseurs, Le Vienna Vegetable Orchestra fera un concert bénéfice au parc Woodyatt. N'apportez vos enfants. Ils y prendraient de mauvaises habitudes (surtout à cause des zucchinis...)




Vous trouverez toute l'information sur cette page du blogue Le Potager Urbain :

Ne manquez surtout pas le billet de Laurent Gloaguen :
Terrorisme potager à Drummondville



jeudi 19 juillet 2012

North American Orchid Conservation Center










Un coup de chapeau à Dennis Whigham,  grand écologiste des orchidées indigènes de l'Amérique du Nord.




mercredi 18 juillet 2012

Hier balcon






Hier après souper (des sandwichs tomates et thon) en compagnie de Tristan mon ami...

 



...en appréciant, en la meilleure compagnie, de bons vins et le ciel magnifique après ces pluies qui ont cassé un peu la canicule...

 



 ...tout en convenant que c'est un des plus beaux étés, de très longue date!







Ce matin de retour à la conception de la structure portante et insonorisante (fibre de chanvre) pour tous ces grands panneaux de bois. C'est un travail de murale pour une salle de conférence avec l'artiste Hélène Sarrazin qui fera la peinturologie.







Ci-haut : une présentation de la murale installée. Bientôt. En attendant, boulot!





Tim Pugh




"Beech Colour Study", Beech Leaves, Hawarden Park,Flintshire. November 2005.
"Seren", Bracken Leaves. Bilberry Woods, Flintshire. October 2005.


Tim Pugh, artiste post-néolithique, travaillant avec l'éphémère.


Son site web est ici.





dimanche 15 juillet 2012

L'orme de Thomas




La rivière des Prairies et le rapide du Cheval blanc.


Nous voici à nouveau sur les rives de la rivière des Prairies, qui est la limite Nord de l'île de Montréal. Dans ce troisième billet sur l'excursion extraordinaire exploratoire du parc du Rapide du Cheval Blanc je vous parle de l'Orme de Thomas aussi appelé l'Orme liège (Ulmus thomasii, Rock elm). Je vous parlerai des autres arbres rencontrés à une autre occasion.


Certains noms communs d'arbres sont si parlant, même si on ne sait pas ce qu'ils veulent dire! Poésie? Certainement dommage qu'il soient souvent laissés de côté. Comprenez-moi bien: je me sers volontiers des noms latins des plantes, je trouve qu'il est plus simple de n'utiliser et de devoir mémoriser qu'un seul nom pour une espèce donnée. Mais contrairement au nom commun érable à Giguère (Acer negundo), à propos duquel personne ne sait qui était ce mystérieux Giguère, l'ancien nom commun de Ulmus thomasii, l'Orme de Thomas, honore David Thomas qui l'avait originalement décrit sous le nom de Ulmus racemosa en 1831.


Le nom latin a depuis été changé (ça c'est une autre histoire...) et le nom français normalisé est l'Orme liège. Dommage et trompeur! On perd ainsi le nom de celui qui l'a décrit en premier et le liège est un caractère souvent incertain pour identifier l'espèce en question...



La répartition de l'Orme de Thomas (d'après www.nrcan.gc.ca). Tout juste présent au Québec!


Je cherche cet arbre depuis assez longtemps et je doute toujours de son identité. Qui est-il? Cette semaine c'est ce qui nous amène par ici. Nous, c'est Charles L'Heureux et moi. Sans les samares (les fruits portant les graines) identifier des ormes peut être aventureux! Il y a deux semaines, encore, nous avions croisé ici et là des ormes dont l'identification était difficile et comme les graines sont disparues depuis longtemps... Sur le Mont Royal, par exemple, où il y avait quelques ormes à l'écorce liégeuse et à l'allure les distinguant de l'Orme d'Amérique. Était-ce l'Orme de Thomas?

Venant sur la rivière des Prairies, nous étions bien décidé à en avoir le coeur net de l'identité de cet arbre, de le voir et d'imprégner nos yeux de son apparence. Une mission aussi sérieuse demande une bonne préparation. Nous avons donc relu avec attention le rapport sur La situation de l'orme liège (Ulmus thomasii Sargent) au Québec*. Avec un tel rapport, réunissant l'ensemble des informations des herbiers et de la littérature, récent et produit par toutes les sommités en botanique ici, nous étions prêts à tout!




Cherchant l'arbre, notre attention était souvent piquée par ces ormes aux feuilles jaunâtres.



L'arbre est rare, quelques milliers d'individus au Québec tout au plus. C'est que la répartition de l'Orme liège est surtout localisée au sud des Grands Lacs et dans le haut Mississippi. Ici au Québec, l’espèce se trouve à la limite nord-est de son aire de répartition. On le trouve surtout dans les régions de Montréal et de Gatineau.


C'est un arbre à croissance lente et à la reproduction limitée. Son bois est très dur et il a été intensivement récolté, surtout au 19e siècle pour les navires, les instruments de ferme, les meubles et même les instruments de musique. Ajoutons qu'en plus à l'époque en Amérique si vous étiez bon à faire des traverses de chemin de fer... vous étiez cuit!


Ajoutez qu'ensuite au 20e siècle arrive la maladie hollandaise de l’orme, qui l'atteint comme les autres ormes, et on comprend que l'arbre soit aujourd'hui rare. Encore plus par ici. Son avenir n'est pas brillant non plus: on le trouve justement dans les régions les plus développées du Québec… C'est ce qui explique que l'arbre a été désigné menacé en 2005 en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.

Mais l'arbre est-il donc si rare qu'il soit très difficile de le trouver? Pas forcément... Il y a d'autres facteurs (pour moi, du moins!) qui expliquent peut-être une partie de sa rareté... Nous revenons sur des questions de choix de mots mais pour sa description cette fois.



Écorce écailleuse du tronc ET des branches:  c'est un bon caractère pour identifier l'Orme liège.



À commencer par la description trompeuse de l'arbre dans le rapport mentionné:


"branches principales relativement courtes, les inférieures réclinées ou plus ou moins horizontales, paraissant tordues et noueuses, couvertes de crêtes liégeuses, 3-10 mm de largeur, souvent noires, lui donnant une apparence négligée ou broussailleuse; rameaux latéraux courts, liégeux et souvent noirs"


On dit bien: branches principales couvertes de crêtes liégeuses, non? On ajoute rameaux liégeux, non? Du liège sur un arbre indigène, c'est assez notable! Alors devant chaque orme qui était par certains critères un candidat possible au nom de Ulmus thomasii nous faisions en bon soldats la vérification des branches. Y avait-il des crêtes liégeuses? Non? Alors... alors c'était pas une Orme liège! (rassurez-vous je suis pas toujours si bête!). Nous avons vérifié la présence ou non de crête liégeuse sur les branches d'une bonne dizaine d'arbres. Nous les avions d'abord distingué de l'Orme d'Amérique ou de l'Orme rouge (deux arbres que nous connaissons bien) par la forme d'ensemble, les feuilles plus petites ou jaunâtres, l'écorce du tronc liégeuse ou l'architecture des branches et mille suppositions. Nous étions sérieusement malmenés! L'endroit est réputé abriter l'arbre! Nous ne sommes toujours pas certains de l'avoir trouvé. Alors où se cache-t-il?




Les crêtes liégeuses sur une branche (pas photographié à Montréal! par Ronnie Nijboer, Wikipedia)


Après quelques heures de recherche, d'observation et de discussion sur les lieux, Charles en a eu marre et a eu un coup de génie, il me dit:

"Rodge, on se trompe en faisant une fixation sur la présence de crêtes liégeuses sur les branches, c'est une erreur dans le document!"

Euréka! Dès qu'il a dit cela je me rendais à l'évidence: les branches n'ont pas de ces supposé crêtes liégeuses. Mais :


1- nous sommes dans une population d'Orme liège connue et documentée
2- nous connaissons les autres ormes et ces nouveaux arbres sont distincts
3- l'écorce du tronc est liégeuse
4- la silhouette de ces arbres est cylindrique...
5, 6, 7...

Autrement dit : si ça dort dans la cabane à chien, que ça jappe et que ça branle de la queue quand vous dites Fido, c'est un chien! Collier au cou, os dans la gueule ou pas! Il faut appeler un chien, un chien!



L'air négligé de Thomas fait tout son charme. Mais ce n'est pas du liège sur la branche...



Nous avions hâte de rentrer et de bien relire les autres références. À commencer par la Flore Laurentienne de Marie-Victorin évidemment. C'est ce qu'on a fait chacun de son côté et avec le même constat: le choix malheureux de quelques mots dans le Rapport nous faisait chercher des caractères qui ne sont pas toujours présents. On ne les a pas vu sur aucun des nombreux spécimens examinés ces crêtes liégeuses sur les branches.



Montage à partir de la Flore Laurentienne.



Pourtant dans la Flore Laurentienne, Marie-Victorin le dit clairement : "rameaux souvent ailés-subérifiés". Un seul mot a été laissé de côté dans le Rapport : "souvent"! Ce qui ne veux pas dire toujours... Cela a été suffisant pour nous torturer toute la journée (et à d'autres occasions aussi) surtout moi, pauvre de moi... Je cherchais toujours les foutues subérisations (le liège) qui n'étaient pas là...


C'est souvent le cas, mais tous les chiens ne dorment pas dans une cabane à chien...

D'autres références ont la même précaution que Marie-Victorin (le superbe!) et affirment que le liège n'est pas toujours présent sur les branches.**


Bon, voilà! Nous l'avons trouvé l'Orme liège ou de Thomas. Je crois! L'ultime vérification ne sera possible qu'au printemps parce que LE seul vrai et déterminant caractère c'est la forme de l'inflorescence et des fruits (des samares, voyez le dessin ci-haut et ci-bas)



Montage à partir de photo et dessins tirés du site www.nrcan.gc.ca



De retour notre arbre à une plus grande échelle. Les différentes références mentionnent souvent son air négligé au tronc branchu et son écorce souvent floconneuse. C'est la combinaison de caractère initiale la plus utile afin de le trouver. Puis enfoncez votre ongle dans l'écorce du tronc. Vous constaterez alors (bien souvent mais pas toujours!) que c'est comme du liège. C'est du liège...



Une silhouette qui n'a rien à voir avec les autres ormes.


Si vous avez en mémoire l'allure de l'Orme d'Amérique, au tronc étroit et haut, sans branche, puis en forme de vase étalé au sommet vous pouvez constater que l'arbre juvénile à gauche et l'adulte à droite n'ont pas du tout cette silhouette familière. La forme n'a rien d'un vase mais bien celle d'un cylindre d'une même largeur, branchu de bas en haut!



 C'est probablement l'Orme liège... sur le mont Royal!



Mais voilà que cette simple question du choix d'un seul mot pour la description de l'arbre a des implications insoupçonnées... Il y a trois ans avec Bronwyn Chester, Charles et moi avions été confrontés à ce problème d'identité. Puis il y a deux semaines encore. Cela à des endroits différents sur le Mont Royal. L'Orme de Thomas serait-il donc présent sur le Mont Royal? Un inventaire récent*** des plantes de notre chère montagne comporte une liste des espèces rares. L'Orme liège n'y figure pas! Cet inventaire est probablement la source de l'affirmation que l'Orme liège est absent du mont Royal dans le rapport mentionné plus haut.


Comme je vous le disais les ultimes vérifications attendront le printemps, les samares nous donneront alors l'essentiel caractère prouvant l'identité de notre très cher Orme de Thomas.






*Sabourin, A. et N. Dignard, 2006. La situation de l’orme liège (Ulmus thomasii  Sargent) au Québec. Herbier du Québec, Direction de la recherche forestière, ministère des Ressources naturelles et de la Faune, rapport préparé pour le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. 35 p.

**Fralish, James Steven et Franklin, Scott B. 2002. Taxonomy and Ecology of Woody Plants in North American Forests (excluding Mexico and Subtropical Florida). John Wiley and Sons

**Weeks, Sally S. Weeks, Harmon P. Parker, George R. 2010. Native Trees of the Midwest: Identification, Wildlife Values, and Landscaping Use. Purdue University Press



***Marineau, K. et M.-È. Dion. 2008. Inventaire de la végétation terrestre du mont Royal 2006- 2007. X + 118 p. + annexes. Rapport d’inventaire réalisé pour le Bureau du Mont-Royal, Ville de Montréal.



À revoir mes autres billets sur les ormes (tapez "orme" dans le champ de recherche dans la colonne de droite du blog) je devrai probablement faire quelques corrections. Par exemple la planche des bourgeons et cicatrices foliaires que j'ai fait pour le billet Ormes hors normes comptent trois ormes rouges et peut-être un orme de Thomas...